bijlage 6. Zie pag. 93.
(Archives du Ministère de la Guerre, A 1 1 5-5-4)
COPIE D'UNE LETTRE DE M. LE MARQUIS DE BLAINVILLE
A M. LE MARECHAL DE BOUFFLERS
a Kayserswert ce 10 Juin 1702
Monseigneur
après la manière dont les ennemis nous avoient attaqués iusques a cette heure
la molesse et la timidité qu'ils avoient montrée dans toutes leurs actions, et
les dernières manoeuvres qu'ils avoient faites s'aprochant de nos angles a la
sappe, je n'aurois iamais cru qu'ils se fussent determinés a attaquer le chemin
couvert de vive force, et a hazarder de perdre une bonne partie de leurs
troupes pour establir un ouvrage qu'ils pouroient faire a la sappe en deux ou
trois iours sans y perdre presque personne; c'est cependant ce qu'ils firent
hier entre sept et buit heures du soir. Nous commencames a nous apercevoir
qu'ils devoient nous attaquer vers les cinq heures; on m'avi(sa) a cette heure
que le camp des troupes de Brandebourg entroit dans la tranchée, qu'on voyoit
plusieurs officiers courir d'un costé et d'autre, qu'on visitoit les armes, qu'ils
avoient tous des bayonnettes au bout de leurs fusils, qu'on leur voyoit de la
paille a leurs chapeaux, et qu'enfin une hauteur qu'on voyoit de la ville se
garnisoit beaucoup de regardans, ce que nous avions remarqué toutes les fois
qu'ils avoient voulu entreprendre quelque chose.
Aussitot i'ordonnay que toutes les troupes se rendissent a leur poste, et que
sans se montrer elles se missent en état de border les parapets au premier coup
de fusil tiré. Je manday aussy en meme temps dans le chemin couvert qu'on
ne tirast plus, qu'on visitat et qu'on netoyat bien les armes, afin d'estre en
état de les bien recevoir, et je fis avertir le canon de l'autre costé du Rhin de
se preparer a faire grand feu.
Entre sept et huit heures du soir tout étant bien en état de notre part, nous
entendismes tirer de leur costé six coups de canon et six bombes qui etoit leur
signal, et qui fut aussy le notre pour planter nos drapeaux sur les parapets que
nous commencasmes a border d'un feu furieux. Leur attaque embrassa depuis
la place d armes du bas Rhin iusques a celle du haut Rhin, tant la vraye que
les fausses; mais la vraye n'etoit que depuis l'angle du bastion Saint Gaspard
iusqu a celle du bastion Saint Suibertusleurs grenadiers qui marcherent a la
teste se presenterent assez bien, mais le feu qui sortoit sur eux de tous costez
les ayant arrestez a six pas de la contrescarpe, presque toute cette premiere
ligne fut tuée et tomba sur nos glacis comme un pré que l'on fauche; en un
instant les piles de corps morts servirent de parapet a ceux qui venoient
derrière; on n'en put point voir un plus grand nombre ens(emble).
D autres detachemens qui soutenoient les premiers ne laisserent pas de se
ietter dans les chemins couverts et de venir iusques aux places d'armes, ou on
combatit longtemps a la main, et il en demeura un grand nombre de part et
d autre, mais enfin les ennemis plièrent, et nous demeurames maitres de nos
deux places d'armes pendant deux grosses heures, au bout des quelles tous les
officiers de la place d'armes de la gauche ayant eté tuez ou blessez, le feu de
nos soldats se ralentit un peu, ce qui donna la facileté aux ennemis de se loger
sur l'angle de cette place d'armes, et de nous en déloger. Pour celle de la
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