M. le Due de Guiclie les chargea a la teste des dragons. Le combat fut long et
opiniatre et je me vis reduit a faire charger les ennemis dans la principalle rue
par l'escadron du regiment d'Oblestein, qui les renversa et on les chassa ensuite
de tout le vilage. On prit leurs quatre pieces de canon et trois drapeaux. Je
n'ay jamais vu tant de valeur et de sens froid que M. le Due de Guiche en a
fait paroitre dans cette occasionson courage ne diminue rien de la prevoyance
qui distingue les officiers generaux dans les actions, et il a eu le plaisir de
connoitre que M. son fils qui la suivy dans le plus grand feu ne degenere point.
Je ne saurois assez louer M. de Grimaldy qui a attaqué le vilage et la soutenu
jusqu'au moment que nous l'avons quitté, avec une fermeté extraordinaire;
Mrs les Marquis de Deinse, de Westerlo, de Risbourg, Due de Holstein, ont
fait tout ce qu'on peut attendre des plus braves gens du monde, et on ne peut
rien ajouter a la valeur et la bonne volonté de M. le Due de Mortemar, qui a
demeuré jusqu'a la fin quoy qu'il ait esté blessé au commencement, et dont
le regiment a tellement souffert qu'il en reste peu d'officiers et de soldats. Le
lieutenant colonel a eu le poignet percé d'un coup de mousquet, M. le baron
de Notaf ayant eu le bras cassé des le commencement n'a voulu quitter qu'a
la fin; le comte de Brias a esté tué, et presque tous les officiers ont fait des
merveillesje crois que le regiment des dragons du Roy a eu sept capitaines tués
ou blessés.
Dans le temps que nous nous etablissions dans le vilage d'Orderen et sur la
digue de Lillo les ennemis ne cessoient pas de nous harceler, et nous attendions
des troupes fraiches pour les eloigner davantage de nous; j'avois mesme écrit
a M. de Princé d'envoyer quatre ou cinq eens hommes d'augmentation au fort
St Philipe avec lequel je voulois communiquer; tout étoit dans la meilleure
disposition qu'on put souhaitter. M. le Marquis de Bedmar et M. le Marechal
de Boufflers avoient fait attaquer les ennemis et les avoient chassés du vilage
d'Ekren; je les croyois reduits a se retrancher dans le vilage de Wilmerdonck
pour y demander quartier ou a faire tous ensemble un dernier effort pour
s'ouvrir en m'attaquant la seule retraitte qu'ils pussent avoir.
Mais ils se reformerent sur la digue d'Ekren et par une fatalité incroyable
un seul de leurs escadrons enfonca les gardes du Corps de M. l'Electeur de
Cologne avec tant de vigueur qu'il mit la confusion dans le reste de nos troupes,
de cette maniere qu'il fut impossible de les remettre en ordre pour les faire
marcher en avant. Et dans cet etat que la nuit alloit encore augmenter Mrs les
generaux jugerent a propos de m'envoyer dire de me retirer pour laisser aux
ennemis la liberté de gagner Lillo, ce qu'ils firent la nuit avec assés de preci
pitation pour avoir laissé dans leur camp plus de deux cens chariots de munitions
et quantité de leurs blessés, quelques pieces de canon, dont je ne scay pas
encore le nombre, quarente petits mortiers, dix sept chariots chargés d'outils,
et une infinité de petites bombes et grenades.
On venoit de m'envoyer les bataillons de Capres et de Rupelmunde, qui
firent l'ariere garde avec beaucoup d'ordre. M. le Baron de Capres qui com-
mandoit cette infanterie, soutint un feu terrible que les ennemis firent quand
ils s'aperceurent que nous nous retirions. II est brigadier et inspecteur dans les
troupes d'Espagne et a toutes les qualités qui font un bon officier general.
Je ne scay qu'imparfaitement ce qui s'est passé du costé d'Ekren, tout le
monde convient que les gardes a pied de Cologne, les gardes a cheval du
gouverneur des Pays-bas, et le regiment de Cano ont fait admirablement bien,
de mesme que nos grenadiers et plusieurs regimens particuliers, et que Mrs
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