Je dis ensuitte qu'il falloit choisir un champ de bataille. L'Electeur dit qu'il
etoit si las qu'il n'en pouvoit plus, et qu'il alloit se reposer. Je proposay a
M. de Marsin de le faire nous deux; tous les officiers generaux de son armée
s'ecrièrent qu'il etoit six heures du soir, que M. de Marsin et eux n'avoient pas
mangé un morceau de la journée, qu'il y avoit vingt quatre heures qu'ils etoient
a cheval, et que l'on visiteroit le terrain le lendemain au matin. Je repliquay que
puisque cela etoit il falloit au moins que M. le Ml de Marsin se chargeat
d'envoyer des partys sur les ennemys pour estre informé a tout moment de ce
qu'ils faisoient, paree que mes troupes etoient trop fatiguées pour le pouvoir
faire, et que je le priois de m'informer pendant le cours de la nuit des nouvelles
qu'il auroit a chaque instant qu'il en recevroit, et de vouloir bien se trouver
au jour declaré au centre de nos deux armées pour que nous vissions ce qu'il y
auroit a faire.
Il est inutile de dire qu'il me manda que les ennemys marchoient sur Nort-
linghen, ce qui se trouva bien contraire le lendemain.
A peine fümes nous arrivés au rendes vous que nous nous etions donnés, que
nous vismes que les ennemys qui avoient faict travailler toute la nuit a faire des
chemins dans les défiléz, débordaient dans une plaine qui etoit vis a vis de nous,
en marchant sur neuf colomnes droit a nostre camp. Nous nous mismes en
bataille de nostre costé; les deux armées francoises qui etoient d'egale force se
joignant, et celle de Bavière a la gauche de M. de Marsin, ce qui fortifioit son
armée au dessus de la mienne de tout ce corps la. Les ennemys continuèrent
a s'avancer, et Ia bataille commenca deux ou trois heures après.
Ce seroit m'embarquer dans un recit plus long que je ne me suis proposé de
faire si j'entreprenois d'écrire tout ce qui se passa dans le cours de Taction.
Je me contenteray de dire que M. de Marlborough avec toutes les forces
ennemies, et l'elite de leurs meilleures troupes vint attaquer mon armée qui
n'etoit composée que de quarante huit escadrons et quarante bataillons qui
faisoient l'aisle droitte du tout; M. le Prince Eugène fit face a M. de Marsin
avec quelques troupes de Tempereur et celles des cercles, en sorte qu'il
Toccupa tout le long du jour avec un corps infiniment inferieur, ce dernier
ayant quarante bataillons et 48 escadrons de ses troupes et toute la cavalerie et
Tinfanterie de l'Electeur, en sorte qu'il avoit le double de ce qu'avoit le prince
Eugène; il est mesme a remarquer qu'il avoit toute la vieille infanterie que
M. le Mal de Villars avoit mesnée en Bavière, et pour couper court et revenir
a ce qui fit perdre la bataille, je diray que le marais etant practiquable en beau-
coup d'endroits, et sept escadrons de dragons des ennemys s'etant avancés en
deca pour soutenir leur infanterie qui avoit deja eté repoussée trois fois avec
une perte infinie de l'attaque du village de Bleinheim, je marchay a eux a la
teste de huit escadrons de la gendarmerie, qui tournerent dans le temps que
je prenois le trot pour les prendre en flanc avec Tescadron qui les débordoit;
j'y fus blessé, et j'aurois eté pris des ce moment la sans qu'ils ne nous pour-
suivirent que trente pas, afin de ne se pas rompre.
lis profitèrent de ce desordre pour doubler troupes sur troupes et s'etendre
en deca du ruisseau, notre seconde ligne qui etoit allée pour les charger apres
la retraitte de la gendarmerie, et qui etoit superieure en nombre d'escadrons,
ayant eté aussy rompue.
M. de Marsin a qui j'avois envoyé dire que toutes les forces des ennemys
tournoient de mon costé et que je le priois de m'envoyer des troupes, n'en
voulut rien faire, ce qui me fit prendre le party de rallier tout ce que je
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