Voila les desseins du favorij, qui nous gouverne tous et voicij ce que repondent
les gens de bon sens a ce raisonnement.
On suppose que les Ennemis sont postés d'une manière a nous empescher
absolument de gagner entre eux et Bruxelles ou Louvain, mais ils ce posteront
de l'autre costés devant le bois de Soignij oü le terrain est fort advantageux pour
eux et vous y attendront de pied ferme, si alors vous les attacques avec tant
d'advantage de leur costés et que le malheur (et mesme on pouroit dire la
raison) voudroit que nous fussions battu, nous sommes eloignés de dix et huit et
vingt lieues de nos places pour nostre subsistance et en ce cas la nous serions
entierement perdu et la france le maistre du pais.
Cependant on travaille pour executer ce dessein et je doute si on demandera
le sentiment d'aucun de nos generaux. Je vous demande, monsieur, si cela est
raisonnable a l'egard du siège de Namur. Nous disons aussij que nous croijons
que cette entreprise demande bien de la ceremonie et de l'attirail et que nous
doutons si l'on poura avoir a la main tout ce qui sera requis pour une telle
execution et le pis de tout cela est que nous jugons que cela ne pouroit com-
mencer au plutost qu'au mois de septembre, juges après cela quelle saison il
faudroit essuyer pour finir un tel siège.
Ceux done qui considerent la situation presente des affaires et qui en raison-
nent meurement disent, qu'il auroit fu la commenser immediatement après que
nous nous sommes retirés de l'attacque de la Deyle, a assieger Soutleuwe, a
raser les lignes et a fortifier plusieurs petite places, autant sur le Demer que sur
la Ghele et mesme y faire une ligne, afin d'y pouvoir loger en quartier d'hyver
30 m ou 40 m hommes, ayant tirés une communication avec nos places de la
Meuse aussy bien que Breda pour pouvoir ce soutenir de cette maniére.
Mais au lieu de cela il arrivera que la bonne saison ce passera en beaux et
grand desseins et on cera a la fin de la campagne obligés de retourner dans les
mesmes quartiers d'hijver et garnisons ou nous avons estés l'hijver passés.
Je me donne l'honneur, monsieur, de vous escrire fort naturellement et selon
mes pensées, dont vous ferés l'usage que vous trouveres convenable et sur tout
faite moi tousjours la justice de me croire avec le plus grand attaschement du
monde,
P.S. Vous pouvés bien croire que je n'escris a personne au monde si ouverte-
ment que j'ay l'honneur de le faire a vous. II faut encore que je vous advertisse
en confidence que j'ay apris par une troisième main, que Slangenburg ce plaint
de vous et qu'il dit vous avoir fait relation en long et en detail de tout ce qui
s'est passés a l'attacque de la Deijle et qu'il vous a demandés vostre conseil de
quelle manière il devoit ce gouverner a l'advenir en pareille occasion. Sur quoi
vous devés luij avoir repondu ces mots: J'ay eu l'honneur de recevoir la vostre, je
vous remercye du detail que vous m'yjaites. La poste va partir, je n'ay pas le temps de
vous en dire d'advantage. Je suis, H.
On dit que le dit Slangenborg a raisonné la-dessus avec plusieurs gens et qu'il
dit que s'il escrit directement a l'estat ou aux provinces alors on l'accuse d'estre
l'editeur; s'il escrit au Greffier Fagel celuy-la est oblige de montrer les lettres
et s'il escrit a Mr. le conseillerpensionaire d'Hollande, voila les reponces qu'il
me fait.
J'ay creu estre de mon devoir de vous dire ces petites circumstances mais
avant de finir je vous dirés mon sentiment, qui est que j'aimerés beaucoup
mieux que Slangenborg ce plaignit de moi manque de reponce, que de luy en
faire d'une manière a pouvoir paroistre devant tout le monde.
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