droite etTaviers; Ton placea des battaillons dans le village; le front de nostre
ligne estoit bien de cinq quarts de lieues, et avoit comme j'ay eu l'honneur de le
dire, des ravines et plusieurs naissances de ruisseaux qui forment la petite
Geette; le village d'Offu [w.s. Autreglise] estoit vis a vis de l'extrémité de
nostre gauche. Les ennemis avoient leur droite a Jauche et leur gauche a Bo-
neff. Voila Sire nostre disposition generalle de part et d'autre.
Un peu avant trois heures on commanp a se canoner, sur les quatre heures
les ennemis passerent un des petits ruisseaux qu'ils avoient devant eux, et
veinrent attaquer atreglise [w.s. Offuz] que nous occupions par des battaillons;
les gardes francoises et suisses le soustenoit sur la droite. Comme l'attaque
commencea l'Electeur y poussa; je le suivis. M. le Due de Guiche chassa les
ennemis et leur fit repasser le petit ruisseau. lis voulurent ensuite couler sur
leur droite pour entrer dans un autre petit village [Autreglise]on les prevint
en y envoyant la brigade de Zuniga.
L'escarmouche fust assez vive, et nostre canon estoit tres bien servy. Comme
tout alloit a souhait dans le front et sur la gauche nous entendimes un fort
grand feu dans le village de Ramilly; nous vimes que les ennemis l'attaquoient,
et que plusieurs de leurs battaillons s'en aprochoientj'y fis marcher Mr. d'Ar-
taignan avec la brigade de Picardie et celle d'Alsace; ils entrerent dans le
village et en chasserent les ennemis. Je ne crois pas que depuis qu'on va a la
guerre, l'onayt jamais entendu un si gros feu de part et d'autre; la brigade des
gardes qui joignoit Alsace, voyant des battaillons des ennemis qui estoient
devant elle passer le ruisseau, marcha a la charge dans le plus bel ordre du
monde, et avec une valeur qu'on ne peut assez louer ils enforcerent les enne
mis, les poursuivirent jusques au dela du ruisseau, un peu trop en avant, et
comme ils avoient leur flanc droit decouvert par ce que la brigade d'Alsace
avoit chargé du costé du village, les ennemis les embrasserent par une ligne
d'Infie. qu'ils avoient de l'autre costé du ruisseau et les obligerent a se retirer,
un peu en desordre, sans pourtant estre rompus.
Avant cette derniere attaque l'on me vint dire que nostre aisle droite avoit esté
absolument battue; j'y poussay, et j'y vis le désordre encore plus grand qu'on
ne me l'avoit dit. L'Electeur y arriva; comme j'estois du costé des villages qui
avoient esté attaquez je ne vis point Paction qui se passa a la droite; l'Elec
teur ne la vit point aussy, estant aux attaques qui se faisoient. L'on m'a dit que
les ennemis commancerent de faire attaquer le village de Taviers par treize
battaillons et qu'aussytost qu'ils en furent maistres ils vinrent a la charge sur
nostre aisle droite, qu'ils enfoncerent premiere et seconde ligne; il y plusieurs
escadrons qui se distinguerent, mais le gros fust rompu, et comme j'arrivay
sur la hauteur je vis les ennemis occuper par leurs escadrons le terrain qu'occu-
poit auparavant nostre aisle droite. Tout nostre flanc droit estant découvert les
ennemis attaquerent de nouveau le village de Ramilly, et s'en rendirent les
maitres. De cet instant la il ne fut plus question que de songer a se retirer.
Dans le commancement la retraite se fit avec beaucoup d'ordre; dans la
suite la peur se mit dans les trouppes et le desordre fut grand. Par bonheur les
ennemis ne nous suivirent pas de fort pres. Les trouppes arriverent dans Louvain
toutes meslées et dans un fort grand desordre; elles n'estoient point encore
démeslées ce matin.
L'armée se trouvant hors d'estat d'attendre les ennemis s'ils s'estoient
aprochez de nous, j'ay representé a l'Electeur la nécessité qu'il y avoit de
prendre une situation a pouvoir se rassembler: il s'est déterminé de venir
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