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camper derriere la Canal de Bruxelles. Dieu veulle que nous y puissions tenir si
les ennemis s'en aprochent. Nous avons retire les trouppes de Louvain, ne
pouvant plus le soustenir. Je ne scaurois encore dire a Vostre Majesté la perte
que nous avons faite; elle verra par le nombre des officiers blesséz et prison-
niers que Faction a esté rude; il est assuré que les ennemis ont eu plus degens
de tuez et blessez que nous, mais ils ont plusieurs officiers prisonniers des nostres
et ils doivent avoir aussy un nombre de soldats qu'ils ont pris dans nostre re-
traitte. J'ay l'honneur de joindre a ma lettre la liste des officiers blessez ou
prisonniers, ce qui marque assez combien ils se sont distinguez. Je pouvois
parler de tous ceux qui ont combattu avec la mesme justice. Je vous supplie
Sire de ne pas rendre ma lettre publique, car je puis oublier bien des circon-
stances par raport aux particuliers qui meriteroient d'estre sceues. Je crois que
Vostre Majesté est bien persuadée de ma douleur. Je le repette encore, vostre
infanterie a combattu avec toute la valeur et l'opiniastreté qu'on peut attendre
des meilleures trouppes, regaignant toujours sur les ennemis les avantages
qu'ils avoient remportez. Comme l'on devoit donner le pain a l'armée ce jour
la, les quaissons y estant arrivez comme Faction commenca, je donnay ordre
qu'on les fit repasser au dela de Judoigne; plusieurs ont esté pris et les chevaux
sauvez.
Je ne scay encore ce que nous avons perdu de canon, mais il faut qu'il y en ait
nombre, car il a tiré bien tard.
VoilaSire un triste recit, qui m'afflige au point que je ne puis Fexprimer a
Vostre Majesté. J'oubliois de luy dire que six battaillons dont trois de l'Electeur
et cinq regiments de dragons qui déffendoient le village deTaviers se sont retirez
a Namur. M. de Sallians me mande que des six battaillons il y en a trois de bon;
c'est un petit bonheur que cela soit entré dans Namur, car par la ou ont esté
nos trouppes je ne pouvois en envoyer dans Namur sans les faire passer par
Cbarleroy et derriere la Sambre. J'ay mandé a M le Mar»i. de Marcin que je
croyois qu'il estoit du bien de Vostre service que l'on envoya trois battaillons de
ses trouppes dans Namur, lorsqu'il arriveroit a Givet pourveu qu'il eut les
choses disposées a le pouvoir faire surement, car les ennemis peuvent faire le
siege de Namur, ou de telle autre place de ce pays qu'ils voudront.