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favorisois nostre droitte autant que je le pouvois que je voyois toujours perdre
depuis les demieres charges beaucoup de terrain; le feu cessa dans tout le
champ de bataille et je me vis restant seul avec les troupes que j'avois qui
estoient considerables en nombre de corps, ayant devant moy onze bataillons
enemis qui pouvoient me circomvaler par ma droitte, ce qu'ils n'auroient pas
fait impunément, et trois escadrons de (taupe?) qui essayierent par leurs mouve-
ments de me faire ebranler, et par la, diviser mes forces et mon attention.
Je pris le party ne voyant plus nostre armee ny celle des enemis depuis plus
d'une heure, les trois bataillons de Greder, Provance et Bassigny ne faisant pas
cent hommes chacun au plus, aussi bien que les cinq rgt. de dragons et n'ayant
plus de munitions de me retirer et décidé que le plus sage party estoit de sauver
ce debris sans qu'il se debandast, a Namur ou je suis arrivé en bon ordre ou je
scavois peu de troupes.
Voyla Monseigneur ce que j'ay fait pour le mieux et cru vous en devoir
rendre compte estant le seul qui le peut faire avec connaissance du motif qui
me fesoit agir, qui estoit de couvrir toujours le flanc de la droitte, ce que j'ay
fait toutte la journée et d'avoir l'honneur de vous dire la bonne volonté des
troupes et de ceux qui commendoient ces corps qui soutinrent dans la plaine
lorsqu'elles furent une fois touttes ensembles, le feu de l'infanterie enemie avec
toutte la valeur possible et la continrent sans qu'elle ait jamais ausé sortir en
plaine devant la celle que j'avois.
Mr le marquis d'Aubigné, qui tout des premiers vint pour soutenir le rgt.
suisse qui soufroit beaucoup et ou estoit le grand feu, fust tué (lorsque) je
portois son rgt. de dragons; c'est, Monseigneur, une vray perte. Mr de Nautaf
fust blessé tout en approchant; c'étoit luy qui avoit cette brigade de dragons;
les deux autres brigadiers (d'infanterie) ont esté fait a ce que je crois prisonniers,
embourbés dans le marais avant m'avoir joint l'un et l'autre.
J'espère Monseigneur que sa Majesté sera contante et vous aussi de ma con-
duitte dans la malhureuse action d'hyer et que vous voudrez bien la faire
souvenir que depuis vingt et un ans que je serts dans son infanterie je n'ay
jamais eu pour touttes graces de sa Majesté que deux nouvaux régiments a faire
et le dernier par vostre ordre et que de touttes les inspections vaccantes que
j'ay eu l'honneur de vous demander et ou je peus utillement servir, ou un
vieux regiment, je n'ay encore peu rien obtenir. Je vous assure spendant Mon
seigneur que je ne suis pas indigne de l'honneur de vostre protection et quoyque
j'aye esté malhureux jusque a present rien n'est capable de m'empescher de
continuer de servir comme j'ay toujours fait surtout dans ce malhureux temps
j'ay l'honneur d'estre avec un profond respect
Monseigneur
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur
Lamote
Brigadier d'infanterie