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nous rejoignismes l'Electeur et M. Ie mal. de Villeroy; je demeuray en suitte a
l'arriere garde avec la maison du Roy; tout le monde m'y a vue et a eté temoin
que je me suis donné une peine infinie pour arreter le désordre, qui arriva
dans nostre retraitte par la fuitte de la pluspart de la cavallerie de la gauche
qui traversa nostre infanterie. Je passay avec la maison du Roy le défilé de Ju-
doigne souveraine (sic) au dela duquel les ennemis ne nous presserent plus
et j'arrivay au jour a la porte de Louvain ou M. d'Aubusson me fit aider par ces
gens parce que j'estois tout a fait accablé de fatigue et d'une fievre qui m'a duré
plusieurs joursjamais la conduitte d'un officier general n'a eté plus éclairie que
Ia mienne la esté dans l'occasion dont il s'agist.
Vous estes Monseigneur le ministre de la guerre; c'est de vous dont les offi
ciers qui ont fait leur devoir doivent attendre la protection de mesme que vous
devez poursuivre la punition de ceux qui y ont manqué. II est bien dur d'estre
oblige d'entrer dans une justification odieuse apres trente cinq années de ser
vice et plusieurs actions distinguées, et de me trouver reduit, n'ayant rien a me
reprocher, a vous demander comme une grace de me rendre justice par un
examen dans lequel vous trouverés certainement qu'il en faut beaucoup que des
gens qui se sont vantés quand tout a eté fini ayent fait dans Taction ce qu'ils ont
voulu s'attribuer aux dépens de ceux qui ont fait leur devoir avec la droiture
et la modestie qui conviennent aux honnestes gens; j'ose mème vous dire qu'il
est de l'intérest de tout le monde que ces différens caractères soient connus et
c'est ce que j 'attends de vous avec confiance, vous supliant Monseigneur deme
croire avec le respect que je dois
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur
P. Guiscard