bijlage I. Zie pag. 27 boek X.
ALBEMARLE AAN HEINSIUS, DOORNIK 17 JUNI 1711
(A.R.A., Heinsiusarchief 1611)
Monsieur,
Dans ce moment le prince de Savoye vient de partir d'icy pour s'embarquer
au Sas de Gand, et ie conté que cette lettre vous parviendra a peu pres en mesme
temps que ce prince arrivera a la Haye. Son depart cause parmy nos trouppes
une consternation incroyable, et j'aurois de la peine a vous l'exprimer; je ne
puis pas dire combien ie crains les suittes de ce départ avec toute les trouppes
imperiales; cela n'abat pas seulement les esprits parmy nous, mais cela va faire
prendre un air de hauteur et de supériorité aux ennemis, que l'on a lieu d'en
craindre toute les consequences. A peine a t'on entendu parler d'un detache
ment que les ennemis faisoient pour l'Allemagne; ce fut samedy qu'on en eut
les premiers advis et le dimanche les trouppes imperiales firent une marsche en
arrière, et le mesme iour le prince de Savoye s'est rendu dans cette ville, ou il
m'a prié de l'accompagner, pour assister a lui faire avoir tous les besoins pour
la marsche de ses trouppes.
A la demande de My lord Due et de Messrs les députés il s'est arresté le lundy
icy, en intention de marcher hier mardy. Mais comme on estoit tousiours dans
les incertitudes si le detaschement des ennemis estoit party, Mr Caddogan
arriva icy avant hier au soir fort tard, pour supplier le prince de s'aretter encore
unjour, ce qu'il a fait, mais avec bien de la peine, quoi qu'a l'heure que j'ai
l'honneur de vous escrire on ne sache pas encore positivement jusqu'ou le
detaschement des ennemis est advancées, et tout le monde convient sans
contestation que le dit detaschement ne consiste tout au plus qu'en douze ou
quinze battaillons, et autant d'escadrons. Malgré tout cela le prince n'a plus
voulu différer la marche de ses trouppes, lesquelles sont actuellement en
marche et il vient de partir pour sa personne a la Haye.
Juges au nom de dieu quel bruit et quelle impression ce départ va faire
lorsqu'on dira que toute les trouppes de l'Empereur sont partis, avec le pee
Eugene a la teste. Au lieu qu'il me semble qu'on auroit pu commencer de
nostre coté a envoyer un pareil nombre des trouppes tant imperiales que
palatines et Wirtemberges etc. et le prince auroit pu partir avec le reste au cas
que les ennemis eussent fait des detaschements plus considerables. II me paroit
qu'on devoit avoir fait des plus grands efforts qu'on n'a fait pour tascher a le
garder icy, mais Caddogan m'a dit hier au soir que Milord Due n'a pas osé le
presser plus fortement; qu'il l'auroit bien fait si la chose fut arrivée un année
devant celle cy, puisqu'a present il n'ose pas prendre la moindre chose sur luy.
En mesme temps ie dois vous dire que le mesme Caddogan m'a dit que
Mylord tremble de peurj les ennemis nous estant superieur, qu'il pouvoit bien
nous arriver du malheur, et qu'il se flatte et espère que l'on persuadera le
prince Eugène a la Haye d'arretter partie de ses trouppes ou du moins sa
personne laquelle dieu sait nous estre fort utile et necessaire, surtout Mylord
Due ajant esté depuis l'entrée de la campagne fort abattu, sans courage ni
fermeté, mais a present que le prince est party je dois vous dire qu'il est d'un
abattement au dessus de l'imagination.
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