J'ay cru que 1'importance de cette affaire estoit si grande que ie devois
monsieur vous donner et rapporter au juste la chose comme elle est. Je n'ecris
sur ce sujet a personne au monde qu'a vous monsieur, afin que vous consideries
la chose, et que vous agissies sur ce sujet de la manière que vous jugeres le plus
convenable pour le bien publicq.
Mylord Due et Mr Caddogan disent positivement qu'avant que les ennemis
avoit fait leur detaschement qu'ils étoit superieur a nous de 48 ou de jo bat-
taillons, et comme le detaschement que le prince fait partir est encore plus fort
que celuy des ennemis, vous pouves juger de combien nous devons nous
compter inferieurs a eux.
Avec ses pensées et ses idees (qui peut estre sont justes) je vous donne a
considerer ce que nous devons esperer ou plustost craindre pendant cette
campagne; surtout Mylord Due et son favory Caddogan ajant l'esprit frappés de
crainte et d'apprehension.
Je dois encore vous dire que le prince de Savoye m'a prié de luy escrire
régulièrement et naturellement ce qui se passe dans nostre armee, et il m'a dit
(mais en confidence) que si on croit que sa personne peut estre d'utilité, en cas
que les ennemis voulussent entreprendre contre nous, qu'il me donnoit sa
parole d'honneur qu'il viendroit de la Haie en poste a l'armée, et mesme qu'il
arresteroit ses trouppes; e'est de quoi vous pouves faire usage si vous le trouves
bon.
J'ai l'honneur d'estre avac un inviolable attachement (etc.)
P.S. Je dois encore vous dire que le prince a donné ordre au general Felz
qu'en cas que les ennemis voudroit entreprendre quelque chose contre nous
qu'il pensa arrester en chemin ou il fera sa marche sur les ordres que Mylord
due luy pourra envoyer. Je pars dans ce moment pour l'armée, ou je seres
tousiours ravy de recevoir l'honneur de vos nouvelles.
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